Les pratiques managériales en France peinent à répondre aux défis contemporains du monde du travail. Le dernier rapport de l'IGAS (juin 2024) dresse un constat sans appel : verticalité, faible autonomie, reconnaissance déficiente, et peu d'impact du dialogue social sur les conditions de management. À travers le prisme des statuts d'encadrement – cadres et agents de maîtrise – la fédération syndicale INOVA CFE-CGC analyse ces constats, interroge les pratiques actuelles et propose des pistes syndicales concrètes pour réinventer le management en phase avec les attentes du XXIe siècle.

Le management à la française, un modèle en crise

Le management « à la française » est aujourd'hui sous tension. Alors que les mutations économiques, écologiques et numériques redessinent les contours du travail, les pratiques managériales restent globalement figées dans une logique verticale, peu participative et trop souvent technocratique. Cette réalité, bien connue de nos adhérents cadres et agents de maîtrise, est désormais documentée avec rigueur par le rapport IGAS 2024. Les conclusions sont sans appel : la France est régulièrement mal classée dans les enquêtes européennes sur les conditions de travail, l'autonomie, la reconnaissance et la confiance dans le management.

Alors que les cadres et agents de maîtrise incarnent une position charnière entre direction et équipes, comment peuvent-ils exercer un management constructif dans un environnement qui bride leur marge de manœuvre ? L'heure est venue de poser les bonnes questions, d'apporter une lecture syndicale à ces constats, et surtout de proposer des solutions concrètes.

1. Chiffres clés : un management à bout de souffle

Le rapport IGAS regorge de données éclairantes – et alarmantes :

  • 57,8 % des organisations françaises sont perçues comme caractérisées par une faible autonomie des salariés, contre 41 % en Allemagne.

  • Seuls 33,2 % des salariés français estiment recevoir toujours du soutien de leur manager, contre 51,5 % en Irlande.

  • La confiance envers la direction est partagée par seulement 62,6 % des salariés en France, contre 79,6 % en Allemagne.

  • Seulement 56 % des établissements français évaluent régulièrement les risques professionnels, contre 75 % en moyenne européenne.

Ces chiffres traduisent une défiance généralisée, un manque de reconnaissance, et une gestion des équipes encore trop souvent fondée sur le contrôle, plutôt que sur la confiance et la responsabilisation.

 

2. Le rôle crucial de l'encadrement intermédiaire : au cœur des paradoxes

Les cadres et agents de maîtrise se retrouvent en première ligne de ces dysfonctionnements. Coincés entre des injonctions descendantes et les réalités du terrain, ils doivent à la fois garantir la performance, accompagner les transformations et gérer l'humain.

Mais comment bien manager quand :

  • La formation initiale reste trop académique et peu ancrée dans la réalité humaine du travail ?

  • Les marges de décision sont minimes, étouffées par une culture du reporting ?

  • La reconnaissance managériale est quasi absente dans les systèmes d'évaluation ?

Cette situation engendre une souffrance managériale, une perte de sens, un désengagement progressif… et un turnover accru.

3. Un regard syndical : faire évoluer le modèle managérial par la négociation et l'innovation sociale

 

En tant que fédération syndicale représentative de l'encadrement, INOVA CFE-CGC porte un plaidoyer pour une révolution managériale douce, mais déterminée, fondée sur :

Une reconnaissance statutaire du rôle de l'encadrement intermédiaire

Il est urgent de redéfinir les missions des cadres et agents de maîtrise à l'aune des attentes contemporaines : pilotage de projets, animation d'équipes hybrides, accompagnement au changement. Cela passe par :

  • Des fiches de poste rénovées

  • Des parcours professionnels valorisants

  • Des critères d'évaluation intégrant les dimensions humaines du management

Une généralisation du dialogue professionnel dans les entreprises

L'encadrement doit pouvoir exprimer ses contraintes, ses besoins en formation, ses propositions. Le droit d'expression professionnelle doit devenir une réalité dans les CSE, avec un accompagnement des représentants du personnel à ces enjeux spécifiques.

Un accompagnement renforcé via la formation continue

Le rapport IGAS pointe le manque de dispositifs de soutien managérial. Nous proposons :

  • Des parcours co-construits entre branches professionnelles, entreprises et syndicats

  • L'implication de l'APEC dans le conseil aux cadres sur leur posture et leurs pratiques

  • Un partenariat fort avec l'ANACT pour intégrer les enjeux de QVCT dès la prise de fonction

 

4. Recommandations syndicales : agir sur trois leviers

À la lumière des enseignements du rapport, INOVA CFE-CGC propose trois leviers pour faire évoluer les pratiques managériales :

1. Juridique : intégrer le management dans le dialogue social

  • Inscrire les pratiques managériales dans les thèmes obligatoires du dialogue sur la QVCT

  • Étendre les missions du CSE à la qualité managériale et à la politique de reconnaissance

  • Expérimenter des mécanismes de co-construction des pratiques avec les représentants du personnel

2. Éducatif : réformer les formations de managers

  • Imposer dans les maquettes des écoles et universités une formation à l'écoute active, à l'intelligence collective et au dialogue social

  • Développer l'apprentissage des soft skills, souvent décisives dans le management de proximité

3. Opérationnel : soutenir les managers dans l'action

  • Financer des dispositifs de coaching de groupe ou individuel pour les cadres

  • Promouvoir l'échange de pratiques entre pairs via des clubs managériaux territoriaux

  • Valoriser les innovations sociales dans les appels à projets nationaux, à l'image du « Future of Work » allemand

Pour un management humaniste et engagé

Ce rapport IGAS sonne comme un électrochoc pour les défenseurs d'un travail porteur de sens. La qualité managériale est aujourd'hui un levier de compétitivité sociale autant qu'un impératif d'attractivité des métiers. En tant que fédération syndicale de l'encadrement, nous portons une voix responsable et constructive : il ne s'agit pas de stigmatiser mais d'agir.

Agir pour outiller nos managers, renforcer leur autonomie, leur formation, leur reconnaissance. Agir pour bâtir une culture managériale à la hauteur des défis de demain : plus participative, plus respectueuse, plus collective.

N'hésitez pas à contacter vos représentants INOVA CFE-CGC sur le terrain, visitez notre site pour profiter de nos formations, nos mutuelles et notre soutien pour toutes vos questions !